Les Mots d’Eija-Liisa Ahtila

Exposition au Musée du Jeu de Paume, 2008

Regard sur l’œuvre d’un artiste – Revue ArtKopel

La Finlande sans couleur, sept mois durant : ne reste que l’essentiel, lignes épurées et une immense solitude. Eija-Liisa Ahtila nous emmène dans cette mélancolie des longs hivers, dans le froid du silence, dans une pensée froide comme la neige.
Elle évoque la difficulté à vivre dans un monde hostile : hostilité du corps, de la nature, et du rapport à l’autre. Elle nous confronte à notre incapacité, notre incompréhension, à la vie, à la mort, au manque, à la folie et au sentiment d’impuissance : « Je voudrais rentrer chez moi, mais une ligne a été dessinée sur le sol ».
[…]

Elle cherche comment surmonter les événements, le rapport à l’autre, à soi-même, et finalement, cette difficulté à essayer d’exister tout simplement. C’est dans ce « tout simplement » que réside toute la complexité, tout le drame humain, le poids de la pensée, de la parole, de la solitude, le poids du silence après que quelqu’un ait frappé à la porte.
Dans Where is Where ?, elle n’ouvre pas tout de suite après que « quelqu’un » ait frappé à la porte, il y a une sorte de flottement, comme celui de la neige quand elle ne cesse de tomber. Le temps attend, il reste là, immobile (...) Enfin elle ouvre. Dialogue avec la Mort :
– La Mort : Pourrais-tu me donner des mots ?
– La poétesse : Lesquels ?
– La Mort : Ceux qui ne voient pas leur destination.
(...)
– La poétesse : Pourquoi donnerais-je des mots à la Mort ?

Pour la rendre concrète tout simplement. Pour la voir exister, pour la comprendre, pour l’assimiler. Elle questionne la création des choses à partir des mots, vers le début de quelque chose qui n’a pas encore de nom. Cela signifie-t-il qu’il faut parler pour exister ?
[…]


Toutes les œuvres d’Eija-Liisa Ahtila parlent de cette difficulté à vivre, seule et au milieu des autres, et de comprendre la vie. La mort est constamment présente, dans la solitude comme dans la relation à l’autre. Elle est notre seule certitude, mais aussi celle qui provoque le doute, le questionnement de notre existence, le sentiment de solitude, d’abandon, de culpabilité de celui qui reste. Dans Where is Where ?, elle dit à la pasteure que, chaque fois après la mort de quelqu’un, elle n’arrive plus à vivre, qu’elle revient sur ses propres pas mais ne les reconnaît pas. Elle dit que bien-sûr elle se sent coupable, mais « comment peut-on me pardonner ce qui arrive aux autres ? ».

Comment accepter ce qui nous arrive ? Comment accepter la vie ? Les mots sont-ils nécessaires pour parvenir à accepter ? Et puis les mots ont un poids, comme les actes. Les mots sont actes. Ils agissent et marquent définitivement l’instant, le figent dans la durée.
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